Ma chronique personnelle : Mental
2 heures et 12 minutes d’affrontement. Tu en as marre, vivement que la torture se termine. Tu les vois bien tous, tendus comme un string dans les gradins. Le moindre geste leur est interdit. S’ils ont le malheur de souffler, tu le vois. De se taper la main sur la cuisse pour exprimer leur agacement, tu le vois. Même lever les yeux au ciel, tu le vois.
Aller aux toilettes et manquer la suite ? Jamais de la vie. Tu cherches leur regard. Mais que cherches-tu ? Encouragement, réconfort ? Je suis là moi. Parle-moi bon sang !
Nous avons 20 secondes top chrono en tête à tête.
Inspirer, expirer.
Je te souffle “ allez, une de plus qu’elle, tu peux le faire, pour l’équipe !”
“Elles en sont où à côté ? Ça donne quoi ? Il faut que je donne l’exemple non ?” me demandes-tu.
Tu jettes un œil dans les tribunes, toujours.
L’autre ne cesse de répliquer, un coup c’est plus fort, un coup c’est plus long. Elle attaque en avançant, les yeux rivés vers la cible. Son agressivité percute notre égo.
“Putain de merde”
Inspirer, expirer.
“C’était pour qui ça, pour l’autre ou pour moi ??”
“Ça me soule”
“Calme-toi, allez, allez !”
Inspirer, expirer.
Tu regardes par dessus ton épaule, toujours.
Et rebelote, il faut enchaîner. Chasser toutes pensées négatives. Rester concentrée. Et le plus difficile dans tout ça ? Ne rien laisser paraître. Non, ce serait trop simple. Lui faire ce cadeau serait la pire idée !
L’adversaire se nourrit de la frustration de l'autre, c'est bien connu. Vous êtes toutes deux à l’affût du moindre geste d’énervement ou d’impatience. Penser à voix haute n’est pas permis sauf pour balancer un “allez là!” en serrant le poing tournée vers ton clan.
Inspirer, expirer.
Trouver une solution. Puiser dans le passé, te rappeler les paroles du coach, penser à tes parents, penser à ton chat. NON ! Ne surtout pas t'égarer. Te souvenir de tes apprentissages, analyser la situation et TOUJOURS avoir le score en tête. Resserrer ta couette, essuyer ton visage avant que la transpiration ne vienne altérer ta vue. Il fait chaud, il y a du vent, ce qui influe sur ta trajectoire. Je sens que tu fatigues mais l’autre aussi.
Surtout ne rien laisser paraître.
Il ne s’agit pas d’être nonchalant non. Mais celle qui arrivera à se maîtriser dans la durée sortira vainqueur.
Elle est là, la véritable bataille, et c’est ton corps qui subit nos querelles insensées.
Dans un geste parfaitement synchronisé entre ton haut et ton bas du corps, tu plisses les jambes, lances la balle et en une poussée extraordinaire, tu décolles du sol. Au moment de la frappe, la douleur parcourt ton corps en une seconde. Ton épaule est touchée, te causant un handicap pour le reste de la partie. Il va falloir faire avec. Il n’est pas question d’abandonner. Tu auras tout le temps qu’il te faudra les jours qui suivent pour recourir à divers soins. Tu te sens diminuée un peu plus à chaque échange mais c’est exactement LÀ que tu dois être forte.
Ne rien laisser paraître.
“Allez, une de plus qu’elle, pour l’équipe !”
Le soulagement est enfin arrivé. Un ultime regard vers ton clan.
Jeu, set et match.